Une étagère tout en courbes
Par Vincent Simonnet
En y regardant bien, c’est assez impressionnant ce que l’on peut ranger dans un appartement ou une maison. Pour convaincre les plus sceptiques, il suffit d’entreprendre un déménagement afin de se rendre réellement compte de ce que l’on possède. La facture du déménageur constitue aussi un bon outil de mesure du volume d’objets divers qui nous entourent ! Pour les menuisiers, amateurs ou professionnels, la confection de rangements, meubles ou espaces, se révèle une mine inépuisable d’activité, d’autant plus si l’espace à aménager est un peu spécifique. La « commande » d’une N-ième étagère constitue l’opportunité rêvée pour tenter d’innover, sans trop de risque pour ce type de meuble de taille assez limitée.
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Ma fille a émis le souhait, pour son anniversaire, d’avoir une étagère plus grande pour remplacer celle faite il y a quelques années pour son matériel de dessin, étagère totalement détournée du reste de son usage initialement prévu.
Il s’agit de ranger (entreposer serait sans doute un terme plus adéquat !) des revues, des livres, des dossiers, divers documents et quelques objets « souvenir ». Le meuble prend place dans une chambre à coucher.
Pour concevoir ce meuble, qui doit « faire un peu moderne », étant destiné à la jeune génération, je suis parti de deux autres projets déjà réalisés, dans une démarche qui relève un peu du processus d’hybridation, en mixant deux idées :
• une étagère d’abord, avec une structure bien apparente, (voir l’article dans le numéro 167 du Bouvet), bien que son remplissage actuel cache bien les choses ;
• des pieds de table ensuite, fabriqués en lamellé-collé (voir l’article dédié dans le numéro du Bouvet 172).
Le mélange de ces deux idées s’est curieusement opéré en regardant des éléments de décor lors d’une soirée à l’Opéra, profitant ainsi d’un moment où l’oreille s’endort quelque peu et l’œil se fixe sur un détail. Le parti consiste donc à introduire des formes courbes dans la structure de l’étagère d’une part, pour apporter une note d’originalité, mais aussi d’autre part pour varier la largeur des rayonnages et répondre à la variété des dimensions des objets à ranger.
Le principe de la structure se décompose simplement en deux montants : l’un rectiligne, venant s’appuyer sur le mur à l’arrière de l’étagère, l’autre de forme courbe, un peu comme un « ventre ».
Le montant arrière mesure 1 350 mm de hauteur, avec une section carrée de 50 mm de côté. Le montant avant se compose de deux arcs de cercles, tangents au point de « ventre », situé à 350 mm du sol et aussi du mur d’appui. En bas, le premier arc passe par un point distant de l’arrière de 250 mm : ceci assure une assise suffisante pour que l’étagère ne bascule pas. En haut, le second arc passe par le coin supérieur avant du montant arrière. Le montant avant aura une section identique au montant arrière, soit un carré de 50 mm. Ces deux montants vont être liés entre eux par des traverses horizontales, de section carrée de 50 mm de côté. Ces traverses serviront d’appui pour les rayonnages. La traverse basse, supportant le premier rayonnage, laisse en bas un espace de 160 mm, de manière à permettre le passage de l’aspirateur. Les rayonnages ont été disposés de façon à créer des espaces de dimensions différentes, pour ranger une grande variété de documents et d’objets. La conception choisie interdit de régler la hauteur de chaque rayonnage, mais ce n’est pas le but recherché.
Assemblages traverses/montants
Aucun problème pour assembler les traverses côté montant arrière : on utilisera une liaison par tenon sur la traverse, associée à une mortaise sur le montant. Pour l’avant, la situation se complique un peu : s’il y a tenon et mortaise, du fait de la courbure du montant, l’arasement du tenon sur la traverse devra lui aussi être courbe. Pas facile à réaliser, même à la main. On peut naturellement approximer cette courbe par un segment de droite, sans risque de grosse erreur. Mais la position de la traverse à tenonner suppose, lors de l’usinage, d’incliner la pièce en calculant le bon angle. Là encore, rien d’impossible, surtout si on utilise comme moi le logiciel SketchUp pour concevoir : il suffit de lire l’angle donné par le rapporteur. Cela ne règle cependant pas complètement la question, car il va falloir aussi positionner précisément la traverse pour que sa longueur d’arasement à arasement (hors tenons) soit celle voulue. Beaucoup de soin donc pour cet usinage (inclinaison de la table et positionnement de la pièce) pour un résultat approximé (la courbe étant ici un segment de droite). Vraisemblablement donc, en optant pour cette méthode, il vaudra mieux se montrer prudent en prévoyant quelques pièces d’essai pour faire face aux immanquables erreurs qui ont toute chance de se produire !
Ne disposant pas de beaucoup de temps pour réaliser cette étagère, j’ai opté pour une technique différente, qui permet de se sortir plus simplement du problème. On va réaliser les usinages tenon-mortaise du montant arrière et des traverses, puis en faire un montage à blanc, le tout sur un gabarit sur lequel figure l’épure de l’ensemble. Le montant avant sera positionné sur les traverses. Il sert ainsi de guide pour tracer les extrémités des abouts de traverses, en suivant sa courbe. On tracera aussi de la même façon l’extrémité haute du montant avant, le montant arrière servant de guide.
Le montage à blanc :
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