Des essences, des expériences : les bois exotiques (compléments)
AMOURETTE
Bernard
Je trouve que l’amourette est un des plus jolis placages qui soit. Avec ses taches foncées, elle évoque la peau d’un léopard ou d’un serpent. Elle est très appréciée en marqueterie, notamment pour la réalisation de coffrets de luxe.
ANIÉGRÉ
Sylvian
Quand on fabrique du meuble d’ébénisterie, un des problèmes récurrents que l’on rencontre, c’est celui du contrebalancement. Pour qu’un panneau reste stable quand on le plaque d’un côté, il faut le plaquer également de l’autre, avec de préférence un placage ayant à peu près la même nervosité. Faute de quoi le panneau en question, à peine sorti de presse, va se cintrer à vitesse grand V ! C’est ce qu’on appelle « contrebalancer », et on nomme les placages utilisés à cette fin des contrebalancements. Et souvent, on plaque dans la même essence les pièces intérieures quand elles n’ont pas à être décoratives (séparations, tablettes…). Ce contrebalancement est donc vu quand on ouvre le meuble. Il faut donc qu’il soit assez agréable à l’œil.
Et c’est là qu’est la question : qu’utiliser comme contrebalancement ? Bien sûr, on peut mettre la même essence qu’en parement. Mais si c’est une essence précieuse, on tique. Chez mon ancien patron, on utilisait du koto, un bois africain jaune paille. Mais, outre que je ne le trouve pas très joli, j’avais remarqué qu’il avait tendance à mal se coller. Alors, quand on est jeune artisan, on demande conseil à son trancheur. Celui-ci me répond du tac-au-tac : mettez donc de l’aniégré.
Nous étions dans les années 1985, et il ne devait pas encore être très présent sur le marché français, l’aniégré. Mais lui en avait, et à très bon marché en plus. Et je découvre donc ce bois brun rosé, en paquets longs et larges sans défauts. Le grain en est fin et le pore est petit. Les feuilles sont très planes et ne nécessitent aucune préparation avant utilisation : on dresse les chants au massicot ou à la scie, et on peut jointer sans coup férir. Les joints se mettent en place sans rechigner, le bois accepte bien le papier gommé qui colle tout de suite et tient bien. C’est un régal ! Une fois vernis, cela donne des panneaux finement veinés, d’un rose délicat très agréable (photo ci-dessous). Le pore se remplit bien et un bon vernis bicouche donne une finition satinée du meilleur effet. Bref : l’aniégré est un bois parfait pour le contrebalancement et l’habillage des intérieurs de meubles.
Mais ce n’est pas tout. Quelques années après, une jeune architecte me soumet un projet de crèche qu’elle veut réaliser avec des bois clairs et des couleurs affirmées. Nous en ferons une bonne partie en érable (j’ai ai parlé au chapitre dédié du hors-série « Le Bois ») et il reste une cloison à construire. Mais pas n’importe quoi : une cloison cintrée de 11 mètres linéaire par 2,80 m de haut, devant intégrer deux portes et des hublots façon marine. Là, elle voudrait un bois ondé, mais le sycomore que je lui propose ne « passe » pas dans le budget. Eh bien, ce sera encore un aniégré, ondé cette fois, que me fournira mon trancheur, et qui remportera le gros lot par son rapport qualité-prix exceptionnel (photo ci-dessous).
L’aniégré est sûrement le bois exotique que j’ai le plus utilisé, en tout cas en quantité. Tout a été consommé, et je n’en ai plus le moindre petit morceau. Mais je suis certain qu’il est toujours aussi performant dans tous les domaines. Le plus drôle est que je ne l’ai jamais vu en massif !
BUBINGA
Serge
Voilà un bois qu’il est difficile de se procurer. Il est assez onéreux, mais en plus il est très dense et de fait difficile à usiner en massif. J’aime malgré tout beaucoup travailler le bubinga, aussi bien en menuiserie qu’en sculpture. Il se teinte, se vernit ou se cire très bien.
Bernard
Le placage de bubinga présente des nuances allant du brun clair au rouge. C’est en outre un bois souvent figuré (moiré, pommelé), agréable à travailler, et du plus bel effet dans les compositions.
CHERRY / MERISIER D’AMÉRIQUE
Claude
Le cherry a été le tout premier bois que j’ai travaillé lorsque j’ai décidé de me lancer dans la menuiserie en fabriquant mon premier meuble. J’avais alors une longue expérience de bricoleur mais j’étais, je dois l’avouer, novice dans la nouvelle « carrière » que j’avais décidé d’explorer.
Mon projet initial était très modeste. Je voulais simplement un meuble sur mesure pour loger dans un couloir et servir de rangement à quelques affaires, ainsi que de support à un téléphone. Je voulais que ni son style ni sa fabrication ne me posent de problème. Mais la lecture de revues spécialisées, le témoignage de lecteurs (et peut-être aussi le fait que j’apprends vite !) m’ont amené à faire évoluer mon projet vers quelque chose de plus élaboré : un petit vaisselier de style provençal. Comme je ne connaissais rien au bois brut, j’avais eu la main plutôt lourde sur la quantité de bois achetée. C’est ce qui m’a permis de pouvoir modifier mon projet d’origine et de le réaliser avec suffisamment de bois.
Je me suis rendu compte que le cherry que j’avais acheté était de belle qualité. Les pertes dues à l’aubier n’étaient pas très importantes et les défauts à éliminer n’étaient pas très nombreux. C’est sans doute ce qui m’a motivé ! Dans des revues spécialisées, j’avais lu que le cherry a des propriétés assez proches de notre merisier européen. La seule différence notable est qu’il est moins dur et que sa couleur tire plus vers le brun rougeâtre.
Après coup, j’ai pu me rendre compte que, sans faire exprès, j’étais tombé sur une essence facile à travailler. Dès le dégauchissage j’ai pu apprécier son grain fin et ses fibres régulières. Son aspect rougeoyant ne me gênait pas. Ces planches allaient devenir un meuble dont la couleur allait très bien s’harmoniser avec celles de la salle-à-manger toute proche. Je ne pouvais pas espérer un meilleur bois pour débuter ! Mais ça, je ne le savais pas encore. J’avais bien d’autres préoccupations en tête et ne pouvais faire aucune comparaison.
J’ai tout de même été surpris de constater que certaines planches, provenant d’une bille différente, étaient très claires par rapport aux autres. Lors de la mise en teinte, j’ai du corriger cette différence pour l’atténuer et faire unité avec le reste du meuble. Cette différence de teinte est visible sur la photo ci-dessous, alors que le meuble est encore à l’état brut.
Sculpter du cherry
J’ai toujours aimé les meubles sculptés, aussi je me suis laissé tenter par l’envie d’orner mon premier meuble de quelques petites sculptures. Comme je débutais, j’ai voulu des motifs simples à réaliser. C’était du moins mon idée de départ. Mais comme en tout, quand on veut réaliser quelque chose de joli, de plaisant à regarder sans s’en lasser, il faut y mettre le prix ! Quand on fait soi-même, ce prix se compte en heures d’effort et en sueur. Emporté par la passion, je me suis mis d’arrache-pied au maniement de la gouge, aidé et conseillé par des revues achetées à l’époque. Le cherry, comme le merisier, se sculpte très bien et les modèles de motifs réalisés dans cette essence ne me manquaient pas.
Seulement, il m’a fallu m’adapter au bois précis que j’avais acheté. Comme je n’avais pas la possibilité de m’approvisionner chez un petit artisan vendant du bois séché sous hangar (je l’ai encore moins maintenant, comme je l’explique dans le chapitre sur l’achat du hors-série « Le Bois »), je n’ai eu qu’une solution : m’adapter à l’offre locale. Et les sculpteurs le savent : une belle sculpture se réalise dans un bois séché naturellement. Or mon bois, même s’il était de belle qualité, avait de toute évidence été séché en étuve. Si cela ne se remarque pas au rabotage, cela ne passe pas inaperçu avec une gouge. La plus grande partie du bois sculpté n’avait trop souffert de son passage en étuve. Mais certaines parties de planche présentaient des fibres plus ou moins déstructurées par la chaleur. Abandonner, il n’en était pas question ! Je me suis efforcé d’adapter mes coups de gouge à la matière, tentant de sculpter ces parties avec plus de légèreté, voire plus de prudence. Par la suite, ne craignant pas la honte qu’aurait certainement éprouvée un sculpteur (j’étais loin d’en être un), je n’ai pas hésité à utiliser du papier abrasif très fin pour donner un fini qui me plaise à mes motifs sculptés dans cette qualité de bois. Pour moi, seul le résultat comptait.
Ma conclusion
Cette première expérience en menuiserie, avec le cherry, a été pour moi très enrichissante et très encourageante. C’est en grande partie grâce à un bois de belle qualité, d’une essence qui peut mettre en valeur un grand nombre de réalisations. Je le répète : j’ai trouvé le cherry facile à travailler. Son grain et son veinage permettent d’obtenir une excellente finition. Dans le cas de mon vaisselier, ce fut une mise en valeur à l’aide de cire d’abeille enrichie avec de la cire de carnauba.
CITRONNIER DE CEYLAN
Bernard
Le citronnier de Ceylan (Chloroxylon swietenia) pousse au Sri-Lanka. Aussi appelé « bois de satin », il est différent du citronnier que nous connaissons sur tout le pourtour méditerranéen (Citrus limon). Cette essence exotique fournit un bois dur, qui donne des placages cassants, assez difficiles à couper. Mais ceux-ci présentent une très belle couleur jaune dorée avec de beaux reflets lorsqu’il est moiré.
IROKO
Serge
J’adore travailler et sculpter l’iroko ! Appelé aussi « chêne d’Afrique » pour sa couleur brune, il a un grain fin, il ne désaffûte pas beaucoup les outils… (sauf si par malchance vous tombez sur un plot qui est siliceux). Il a aussi une qualité qui le rend prisé en menuiserie extérieure : son bois de cœur résiste naturellement bien aux champignons. J’ai ainsi sculpté des statues en iroko et j’ai pu constater qu’il résistait bien aux intempéries.
NIANGON
Serge
J’ai eu l’occasion de réaliser en niangon un ensemble de mobilier de restaurant d’époque 1920 pour une exposition. Et le niangon est un bois… que je n’aime pas trop travailler. Il faut dire qu’il est gras, un peu filandreux, et qu’il se ponce très mal. Par contre, les outils glissent tous seuls ! Et dans le sens des fibres, les effets de coupe en sculpture sont parfaits.
PADOUK / AMBOINE
Sylvian
Les marqueteurs appellent le padouk « bois corail ». Il paraît que sa couleur varie du brun sombre au rouge sang. J’en ai eu en ma possession en massif, et j’en ai encore en placage. Mais pour ma part, je l’ai toujours vu, à l’état frais, rouge orangé très marqué, très « flashy » comme on dit.
Il faut dire qu’il y a plusieurs sortes de padouk (Pterocarpus) : celui de l’ouest de l’Afrique, et ceux d’Asie, originaire des Indes, de Birmanie, des Philippines. La célèbre « loupe d’amboine », si réputée, n’est rien d’autre que… de la loupe de padouk d’Asie. Dans les deux cas, la densité varie de 0,65 à 0,80, sauf pour le padouk de Birmanie, qui va de 0,85 à 1. Ce sont donc des bois durs à très durs. Le grain est fin, avec un pore assez ouvert qui pose quelques problèmes de remplissage sur le placage.
J’ai utilisé le padouk en marqueterie et en frisage, également en contraste avec le wengé sur des coffrets (photo ci-dessous). Comme vous le voyez, sa couleur n’est plus corail, mais d’un rouge plus sombre. C’est que ce bois s’oxyde à la lumière, et qu’il s’assombrit, jusqu’à devenir brun comme un vieil acajou.
J’ai ainsi eu l’occasion de voir, chez un vieil ébéniste qui avait passé sa carrière au faubourg St-Antoine, à Paris, un ensemble de douze chaises de salle à manger magnifiques, inspirées du style anglais Regency. Nous lui rendions visite avec un ami, ébéniste également, et nous étions encore jeunes dans le métier. « Quel bel acajou ! » dit l’un de nous deux, avant que l’artisan ne sourie et nous explique que c’était du corail. C’est lui aussi qui nous avait expliqué que, dans les années 1950, les usines Renault commandaient du padouk pour… couvrir les fosses de visite de leurs ateliers ! Ils ne voulaient que ce bois car il est très résistant et n’est pas attaqué par les insectes. Quelle opulence dans la France d’alors ! C’est lui aussi qui m’avait donné une frise de corail massif, qui est aujourd’hui chez un ami, transformée en cadre de miroir.
Roger
Padouk d’Afrique (Pterocarpus soyauxii)
Arbre poussant dans l’ouest de l’Afrique et pouvant atteindre 35 m de hauteur pour un diamètre de 1 m, le padouk donne un bois dur. Le duramen est de couleur rouge corail, parcouru de veines noires espacées et parfois larges. La couleur générale s’assombrit au fil du temps, à l’exception des zones maillées dans une moindre mesure. L’aubier, dur lui aussi, tranche nettement par sa couleur blanc grisâtre. Ce contraste est recherché en tournage pour la réalisation de pièces décoratives. Ce bois est en outre agréable à tourner, moyennant un dispositif d’aspiration des poussières efficace. Il prend un poli superbe malgré sa structure grossière à larges pores ouverts. Le tournage à petit diamètre met bien en évidence une résille transversale de couleur jaune et l’aspect maillé qui en résulte.
Bernard
Padouk
Le padouk présente selon moi plusieurs difficultés en marqueterie. Très rouge à l’achat, ce placage perd vite de sa couleur pour devenir brun. Il possède un très gros grain. De plus, il s’écaille facilement. Et au ponçage, sa sciure pénètre les pores des autres placages et a tendance à les teinter.
Amboine
La loupe d’amboine est un placage haut de gamme très employé en marqueterie. Ses couleurs sont très changeantes et vont du jaune au gris, du brun au rouge. Son grain est très fin.
PALMIER
Il existe de très nombreuses espèces de plantes appelées « palmiers », dont certaines ne sont d’ailleurs pas des arbres à proprement parler puisqu’elles ne produisent pas véritablement de bois mais de simples tissus lignifiés.
Roger
J’ai eu l’occasion de travailler une espèce de palmier, le Caryota urens, un arbre rare qui pousse essentiellement sur les monts inférieurs de l’Himalaya en Birmanie. Le cœur trop tendre étant inexploitable, seule la couche d’aubier dure et épaisse de quelques centimètres est utilisée. Sa structure est constituée de grosses fibres noires très dures adhérentes entre elles au moyen d’une substance médullaire grisâtre très tendre. On ne peut pas parler d’un bois véritable mais plutôt d’une substance fibreuse particulièrement hétérogène. Sa densité est néanmoins élevée (1,15 environ). Malgré une tenue mécanique médiocre, ce palmier se scie et se rabote bien. Il est utilisé en ébénisterie et en marqueterie sous forme de placages épais.
Le tournage de ce palmier est délicat en raison du manque de cohésion des fibres entre elles. Des outils bien tranchants sont requis. Mais la vision originale et spectaculaire que procure ce bois n’a pas d’équivalent : contraste noir et blanc des fibres entrelacées en bois de travers, piquetis de points noirs sur fond clair en bois de bout. Effets décoratifs garantis en bijouterie : perles, médaillons en bois collés…
PERNAMBOUC
Roger
La république du Brésil, le plus grand pays d’Amérique du Sud, comporte 22 états dont celui de Pernambouc, au nord-est sur le littoral Atlantique. Sa capitale actuelle Recife (anciennement Pernambouc) est une ville portuaire très active. C’est de là que vient un arbre particulier, le pernambouc (Guilandina echinata). Dès 1816, il est mentionné par Hamelin Bergeron dans son Manuel du Tourneur pour son utilisation en teinture. Il est également employé dans la fabrication d’archets de violon, et de divers articles de luxe, y compris en ébénisterie. Il faut dire que le pernambouc peut être considéré comme un bois sinon rare, du moins peu répandu. Dur et très lourd (densité 1,0 à 1,2), il se distingue par sa couleur résolument orange plus ou moins claire, mais homogène. On pourrait le qualifier de « bois orange » tant cette teinte s’impose à nos yeux comme caractère dominant. En y regardant de plus près, on distingue toutefois des veines plus sombres, fines ou diffuses, mais peu contrastées. La couleur est stable dans le temps. C’est un bois qui se tourne bien malgré un effet désaffûtant sensible. Il prend un poli remarquable sans aucune difficulté. L’homogénéité de son grain et de sa couleur permet une fabrication très reproductible de petits objets tels les stylos ou les articles de bijouterie.
SAINT-MARTIN ROUGE
Roger
Le Saint-Martin rouge (Andira coriacea), aussi appelé « angelin », est un bois tropical très dur et lourd. Il est employé en ébénisterie et même, localement, pour des menuiseries extérieures. Mais sa production est faible, de même que son exportation. Le bois que l’on trouve dans le commerce est de fil droit et régulier, sans défaut. L’usinage ne présente pas de difficulté particulière, si ce n’est la présence d’un léger contrefil, la dureté propre du bois et un effet désaffûtant sensible. Il possède une excellente durabilité en utilisation extérieure.
À l’ensemble de ces qualités s’ajoute celle d’une esthétique vigoureuse qui ne craint pas de s’afficher, notamment sur dosse, avec de grands ramages clairs sur fond couleur brun rouge. La texture grossière du grain est encore accentuée par le relief des pores débouchant largement sur toutes les faces.
Le Saint-Martin rouge est un bois à fort impact visuel. Le maillage clair, dans les aspects changeants que lui confèrent le profil tourné, structure fortement la vision offerte. Cette essence nécessite un bouche-porage conséquent pour obtenir une finition parfaite. Mais rien n’empêche de faire le choix de l’authenticité en conservant la structure grossière initiale de cette belle essence. Effet décoratif certain avec des objets de petit diamètre ou en liaison avec des compositions en bois collés.
TULIPIER DE VIRGINIE
Serge
J’aime travailler le tulipier en sculpture, surtout en ronde bosse : il a des caractéristiques très similaires à celles de notre tilleul (même coupe, rendu proche). Je m’en sers donc parfois, en remplacement du tilleul, car j’en trouve facilement auprès des grossistes en bois de ma région. Mais je dois dire que je préfère tout de même notre tilleul !
Bernard
Le placage de tulipier est employé en marqueterie, mais essentiellement en sous-couche. En effet, sa belle couleur jaune-verte au départ ne dure pas et vire hélas vite au brun. Attention donc à cette évolution si vous envisagez d’utiliser du tulipier par exemple pour composer des feuillages.
VAVONA
Sylvian
Le vavona n’existe pas. Seule existe la « loupe de vavona », nom commercial de la loupe de séquoia sempervirens (à distinguer du séquoia géant). Elle est originaire d’Amérique du Nord, la zone de répartition de ces séquoias étant plutôt restreinte, délimitée par une bande de 750 km de long et 75 km de large le long de la côte Pacifique. Les loupes de vavona sont des broussins qui poussent au pied de ces séquoias, et peuvent atteindre des tailles énormes, à la mesure de leur porteur, puisqu’elles peuvent aller jusqu’à une tonne ! Elles donnent donc, une fois déroulées, des feuilles de placage de dimensions exceptionnelles. C’est une des loupes les plus faciles à travailler, souple et facile à replanir, avec très peu de défauts.
Sa couleur tire du brun jaune au brun rouge ou rosé. On a l’impression que la structure est composée de petits nœuds emprisonnés dans un réseau de maille plus claire, parfois presque blanche. L’effet est très agréable. Cependant, je ne l’ai jamais vue employée en mobilier de style. Il faut donc la réserver au contemporain, et elle offre de belles possibilités dans ce domaine.
Il y a un certain nombre de séquoïas en France et en Europe, importés à des fins décoratives dès le XIXème, et surtout au cours du XXème siècle. Ils s’adaptent plutôt bien, même si aucun n’a encore atteint les proportions de leurs oncles d’Amérique. Mais il ne faut peut-être pas désespérer, à l’aune de la nature, ces plantations sont récentes. À titre de comparaison, voici un morceau de séquoia, poussé et abattu dans un parc de ma région.
Quoi qu’il en soit, la loupe de vavona se trouve facilement dans le commerce car, venant des États-Unis, elle bénéficie d’un circuit commercial bien organisé. Cependant, un récent article du Monde du 2 avril 2014 faisait état de la fermeture de nuit d’une route traversant un parc où poussent ces séquoias pour lutter contre le braconnage : les braconniers s’attaqueraient en priorités aux loupes en les découpant sur place. Même dans des pays très structurés, il devient difficile de conserver son patrimoine.
WENGÉ / AWONG
Roger
Le wengé est un arbre de taille moyenne (hauteur 15 à 18 m, diamètre de 1 m environ) qui pousse au Zaïre, au Cameroun et au Congo. Il fournit un bois dur et lourd. Le bois parfait, de couleur brun chocolat foncé, est parcouru de fines rayures noires très rapprochées, visibles et bien distinctes sur quartier et en bois de bout. Cet aspect change radicalement en bois de dosse, qui présente de larges plages ramageuses noires contrastant fortement sur fond brun. La structure est fine quoique sillonnée de pores ouverts assez longs. Le wengé est ainsi apprécié sous forme de placages pour l’ébénisterie, en agencement décoratif, mais aussi dans la fabrication de manches pour le petit outillage. Ce bois peu exporté au regard des quantités exploitées est également utilisé en menuiserie extérieure et intérieure dans ses pays d’origine.
Le tournage du wengé est peu agréable en raison du caractère désaffûtant de ce bois, à fibre dure et cassante. Il prend par contre un très beau poli qui rehausse l’originalité de cette essence faite de l’alternance régulière des fibres brunes et noires très serrées et rectilignes. Un bel aspect qui encourage son emploi dans les domaines décoratifs : bijouterie, stylos, incrustations, bois collés, décoration d’ouvrages plus importants. La zone d’aubier, grisâtre ou d’un jaune soufré exceptionnellement lumineux, associée au bois parfait, permet d’obtenir des pièces en deux tons très attractives.
Sylvian
Le wengé est maintenant un bois assez connu : depuis la relance de la mode des parquets, il fait partie du panel de choix de nombreux parqueteurs. Mais à l’époque où je l’ai découvert, il était peu utilisé en France, et je cherchais un placage très foncé qui soit abordable en prix. C’est mon trancheur qui m’a mis sur sa piste.
Le wengé pousse dans la zone tropicale africaine. C’est un bois très dur, de couleur plus claire pour les spécimens provenant du côté est de ce continent. La dominante est un brun très foncé, avec des rayures noires régulières et serrées sur quartier, et des plages bien marquées sur dosse. La densité est d’environ 0,9. Il porte également les noms commerciaux de « faux ébénier », « awong », et même « palissandre d’Afrique » ou « du Congo » (bien que ce ne soit absolument pas un palissandre !).
Mon expérience avec lui se résume au placage, donc. À l’origine, je l’avais acheté pour faire des incrustations d’encadrement sur des portes d’armoire moderne en merisier. Le contraste était saisissant. Et puis, comme il m’en restait beaucoup, j’ai eu l’idée d’en faire des coffrets lorsque j’ai tenté une intrusion dans le domaine de la tabletterie.
La tentative a avorté, et il me reste encore des coffrets. Mais cela m’a permis de constater que ce bois est difficile à travailler en raison de sa dureté. Ce qui m’avait surtout étonné, c’est qu’on sent la différence entre veines dures (noires) et veines tendres (brunes), comme dans un résineux. Mais toute proportion gardée, bien sûr : il faut appuyer un peu plus sur le ciseau pour entamer du wengé que pour du sapin ! Par contre, il se colle très bien. Le placage que j’ai est très plan et ne nécessite aucune préparation particulière. Le ponçage et facile, et le bois prend une belle profondeur.
Au niveau de la finition, le pore étant tout de même très creux, le remplissage est long. Par contre, avec un beau vernis rempli, le wengé prend un très beau poli, et l’alternance veines noires / veines brunes est vraiment soulignée.
Je ne sais pas quelle est la situation d’exploitation de l’arbre, mais, dans le cadre d’une commercialisation raisonnée, je trouve que c’est un bois qui mérite vraiment le détour. Je rêve de meubles totalement ou partiellement réalisés dans cette essence.
ZEBRANO / ZINGANA
Roger
Très grand arbre avec sa hauteur de 45 m pour un diamètre de 2 m, le zebrano (Microberlinia bisulcata) pousse au Gabon et au Cameroun. Il fournit un bois dur et lourd. Le bois parfait présente un aspect spectaculaire de veines brun sombre bien alignées et assez régulièrement espacées sur fond brun clair ou orangé plus large. Le contraste est très appuyé, ainsi que l’apparence en raies de zèbre des faces débitées sur quartier. Le grain est moyennement grossier, les pores largement ouverts débouchant en bois de bout sous forme d’un piquetis de points blancs bien visibles qui participent à l’aspect un peu « m’as-tu vu » de cette belle essence. Le zebrano est de fait utilisé en placages décoratifs tranchés sur quartier, en tabletterie, en ébénisterie.
En tournage, le zebrano a la particularité de diffuser une odeur peu agréable et d’avoir un léger effet désaffûtant sur les outils. Ce qui n’empêche pas de tourner ce bois de façon très correcte et avec une bonne finition. Attention toutefois au contre-fil, bien présent dans les parties les plus claires. L’intérêt du zebrano tient à son veinage très démonstratif, très vigoureux, sur fond de teintes chaudes. Son prix accessible (guère supérieur à celui du chêne premier choix) le met à la portée des tourneurs désireux de privilégier l’aspect du matériau dans le cadre de leur projet.
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